Zoom sur Rubens Imprimer
1/12/2016 3:43:59 PM - Publié par fofo_mag@yahoo.fr  


Mboko Rubens Kowa est réfugié congolais reconnu par l’Etat du Niger depuis 2000. Il est sociologue et artiste. Son activité : réaliser des écoles communautaires au niveau des communes démunies, il travaille aussi souvent avec les enfants de la rue et les prisonniers mineurs.


Lors de mon premier séjour au Niger j’ai réalisé des écoles communautaires. J’habitais au quartier Case allemande (Château 1) et je fréquentais souvent tchiana carré et kouaratégui. Ces endroits étaient des terrains occupés par des sans-abris qui habitaient dans des maisons en paillottes. La première école communautaire a commencé un jour en 2001 lorsque j’ai constaté que les enfants de ces endroits n’allaient pas à l’école.



Malgré que l’école publique soit gratuite pour tous au Niger, certains parents n’arrivent pas à assurer les frais de fournitures scolaires à leurs enfants. C’est ainsi que j’ai approché les sages de ces localités afin de leur proposer de créer des écoles communautaire. L’accord a été conclu et j’ai construit une école dans chacune de ces localités. Pour s’inscrire, l’enfant doit apporter une natte, du daala (paillotte), une tige de bois ou 300 F.



La première année le taux d’inscription était faible, la deuxième année ces écoles ont recensé un peu plus de 200 élèves. Les enseignants sont aussi des habitants de cette communauté. Ce sont des gens qui ont déjà une petite notion sur l’enseignement et que j’ai formé en pédagogie pendant un mois. Après, une nouvelle collaboratrice du nom de Mme Pivot a pris le relais et a continué la formation aux enseignants.



Les élèves recevaient des cours d’alphabétisation, d’écriture et de calcul. Nous faisions aussi de la peinture, de l’artisanat, de la musique, bref c’était des écoles formelles et informelles.



J’ai également apporté mon aide à la jeunesse de Kombo (située au bord du fleuve sur la corniche Yantala). Je leur ai appris à faire des étangs, c’est-à-dire des espaces dans lesquels on met de l’eau afin d’élever du poisson. Aujourd’hui cette méthode est pratiquée dans plusieurs endroits par ces jeunes. Je pratique aussi la pêche et possèdais ma propre pirogue à Kombo. Je partais pécher le soir et ramènais le poisson à l’école le lendemain pour fêter avec mes élèves.



J’ai également collaboré avec l’ONG SEJUP qui s’occupe des enfants prisonniers de la maison d’arrêt et de correction de Niamey. Avec l’appui de Caritas Niger nous avons appris beaucoup de choses à ces mineurs, notamment des pratiques artistiques qui pourront leur servir un jour, une fois dehors. Ca les aide à ne pas perdre leur temps, à occuper leur temps, à retrouver le sourire. J’ai enseigné aussi aux enfants de la rue qui trainaient aux alentours de l’immeuble EL NASR. Je les réunissais régulièrement pour des ateliers de formation. Je leurs ai appris à confectionner des ballons, à dessiner sur les ballons et les bouteilles, à tisser des chaises, à mixer les couleurs des chaises, à faire des batiks.



Aujourd’hui la plupart d’entre eux gèrent un atelier. Ceux qui fabriquent les chaises et les ballons ont leur atelier présentement en face de l’immeuble EL NASR, il y en a qui sont au niveau de château 8 et d’autres à la Caritas Niger. Parmi ces enfant il y a Issa qui est devenu professionnel en batiks il possède aujourd’hui un atelier tout près du château 1 au quartier plateau.



Ma lutte c’est d’aider ces enfants afin qu’ils ne puissent pas trainer dans la rue. C’est d’aider ces enfants à ne pas mettre leur vie en danger. C’est de les voir un jour devenir des bons citoyens dans la société. C’est de leurs donner ce que leurs parents n’ont pas pu leurs offrir. C’est de voir ces enfants profiter de leurs vies. C’est une manière aussi pour moi d’apporter ma pierre aux actions que mène l’Etat du Niger sur le plan éducation. L’Etat c’est aussi nous.



Malheureusement, au moment où tout commencé à bien marcher, un incendie s’est produit et a dévasté totalement ma demeure à Case Allemande. A l’intérieur j’avais tout un arsenal d’orchestre (1 batterie, quatre guitares, quinze djembé) et de l’argent mais heureusement le feu n’a pas atteint l’école. Cet incendie m’a anéanti. Certes j’ai continué de veiller à l’éducation des élèves mais j’avais perdu ma motivation. Une amie m’a alors invité à passer des vacances au Nigéria.



Arrivé là-bas, j’ai débuté les mêmes activités que j’avais laissées derrière moi. En tant que refugié reconnu au Niger, dès mon arrivé au Nigéria je me suis présenté au HCR afin de signaler mon statut nigérien. Vu les activités que je mène, l’Etat du Nigéria m’a même proposé la réinsertion. Mais j’ai préféré le statut du Niger.



Au Nigéria j’habitais à Abuja dans un quartier appelé Maïtama où je pratiquais le jardinage, j’y ai planté beaucoup d’arbres et c’est dans ce sens que l’ONG Nigerian Field m’a proposé un partenariat pour que j’apprenne aux jeunes de Lagos et Kaduna à valoriser des terrains vides en plantant des bambous, des acajous et d’autres arbres. Cette ONG m’a choisi au titre de « l’inspirateur africain ». J’ai créé alors ma propre ONG (www.rubensnyngoma-africa.com) là-bas, elle fonctionne bien et est gérée par des volontaires qui m’ont remplacé. J’ai dit à ces derniers que, quand je crée quelque chose ce n’est pas pour en faire ma propriété, c’est pour développer l’endroit et voir les choses grandir.



Je suis revenu au Niger en 2014, dix ans après mon départ, pour voir ce que sont devenus mes enfants, les enfants que j’ai éduqué, les enfants que j’ai formé, et surtout pour rouvrir l’école. Je suis revenu aussi pour rendre le Niger vert, et les partenaires qui sont au Nigéria ont décidé de m’accompagner dans ce sens, ils seront là bientôt. Présentement j’ai ouvert une école à Koubia avec une capacité de 320 élèves. Ils mangent sur place et bénéficient d’une éducation que je leur dispense avec les moyens fournis par mes propres efforts. Propos recueillis par Walter Issaka



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