K’Mariko est une jeune créatrice âgée de 35 ans. Elle maitrise le mariage des couleurs, des motifs et des matières. Elle est excellente dans le design, la peinture (mix medium), le dessin, couture à la machine, création des bijoux, batik et confection de sac, etc.
Lauréate nigérienne du concours international d’affiche UNFPA en 1994, prix du mérite du concours du timbre japonais « international postage stamp design contest Japan en 1998, finaliste pour le Niger en 1999 à Johannesburg au concours et forum pour les femmes artistes d’Afrique intitulé MA’AFRIKA, etc.
En 2003 elle est finaliste du concours « what defines your generation of women » et figure dans le livre édité par Paula Goldman et organisé par l’international museum of wommen de Californie (Etats-Unis d’Amérique). La même année elle obtient une bourse pour un programme de résidence artistique au Vermont studio center (Etats-Unis d’Amérique). L’année suivante elle présente sa collection lors du gala annuel de Tulane university à New Orléans (Etats-Unis d’Amérique) ou elle expose également ses peintures à la galerie « la belle galerie ».
En 2011 elle gagne le concours de projet pour la bourse du gouvernement américain pour une formation en management de projet avec le programme transsaharien de l’université de Findlay Ohio/USA.
Parle-nous de ton parcours
J’ai débuté avec la peinture, je peignais depuis toute petite. Quant à la mode, je l’ai apprise de ma mère qui confectionnait des habits pour enfants à l’époque, je la voyais coudre à la maison. J’ai commencé à m’y intéresser vers l’âge de 15 ans, à apprendre la machine d’abord et ensuite à dessiner des modèles que je pensais réaliser un jour quand je serais grande. J’ai commencé à faire mes habits au fur et à mesure jusqu’à l’âge de 18 ans. Il y a aussi mon parrain Jean Boko qui est styliste nigérien de mode, il m’a dispensé des cours de coupes en 1998 à l’atelier « club des artistes »; j’avais également un maitre qui m’apprenait le batik au musée national. Je faisais des portraits d’animaux en batik et je les vendais. L’idée s’était de trouver l’argent pour commencer les études dans une école au Sénégal. Un an après j’ai rencontré une américaine, une peace corps qui avait un programme universitaire appelé Boston university program qui est basé ici à Niamey. Notre amitié s’est liée par un bébé chimpanzé du musée national, qu’elle adorait et que moi aussi j’adorais. Un jour elle m’a demandé de ne pas partir au Sénégal et m’a demandé d’arrêter tout ce que j’avais à faire parce qu’elle avait un boulot pour moi. Je suis devenue assistante résidente culturelle, c'est-à-dire que je devais diriger les jeunes par rapport à notre culture, comment ça se passe au Niger, ce qu’il faut faire de bien, ne pas faire ce qui n’est pas bien, etc. j’avais un bon salaire et j’avais aussi le temps de peindre et de faire la mode. J’ai eu à faire mon premier défilé en 2001 grâce à l’ambassade des Etats-Unis d’Amérique au centre récréatif. La même année ils m’ont demandé un autre défilé et ainsi de suite, deux fois par an et pendant trois ans. Ils ont mis leur espace à ma disposition pour mes défilés, ils mobilisaient du monde à chaque défilé.
Après ce programme j’ai eu une bourse pour une résidence aux USA qui a duré un mois. Nous étions une cinquantaine d’artistes venus de partout dont deux africaines Marie Kaziendé et moi, c’était en 2003. Une autre fois je suis parti à New Orléans (USA) pour une galerie qui s’appelle « la belle galerie». Je suis resté dans cette galerie pendant trois ans. Là bas, j’ai organisé mon premier défilé à l’extérieur avec Tulane university qui m’a d’ailleurs invité. Tous les ans ils organisent un gala-diner et ils essaient de présenter des artistes peintres et un pourcentage des ventes de ce qu’ils gagnent est destiné à un programme de sida en Haïti. Nous avions organisé ce diner gala avec des étudiants et des professeurs, j’avais moi, le choix de choisir quel artiste pouvait être dans le programme, c’était super. Après ça, avec « la belle galerie » j’ai continué à faire des défilés, des expositions ventes. Je suis retourné plusieurs fois aux USA, j’y vais souvent pour faire d’autres toiles que la galerie vend et aussi pour faire du tourisme. L’Ouragan d’il y’a trois ans a tout détruit. La dernière fois que je suis parti aux USA c’était en 2011 à Findlay. J’avais eu une bourse pour faire du management, c'est-à-dire comment gérer un projet. La formation a duré un mois.
Entre temps j’ai toujours fait mon défilé annuel à Niamey depuis 2003, j’ai aussi travaillé avec d’autres artistes peintres et stylistes. Nous avons travaillé ensemble pendant trois ans ; on n’avait pas les moyens alors on organisait des défilés de mode chez moi, des expositions de peintures etc. Au bout de trois ans ça n’a pas marché, chacun est parti de son côté ; mais moi j’ai toujours continué mon défilé annuel, chaque année une nouvelle collection jusqu’ici.
Comment expliques-tu la mode ?
C’est de l’art, de la création, le vestimentaire parce que tout le monde a besoin de s’habiller. La mode c’est rendre la vie belle, c’est l’art de l’habillement.
Elle est belle la mode nigérienne, mais je pense qu’on reste un peu confiné dans notre tradition. C’est
bien de garder la tradition, elle est très importante parce que tout artiste s’inspire de la tradition pour faire quelque chose de différent. Je pense qu’on devrait plus évoluer, on peut garder le côté traditionnel pour les gens qui continuent de faire le traditionnel, mais pour les gens qui veulent faire du stylisme il faut créer de nouveaux modèles pour enrichir la mode nigérienne, on a besoin de ça.
La mode au Niger a besoin d’être structurée. Ce que je trouve drôle c’est qu’il y a beaucoup de filles qui voyagent pour revenir avec des choses qu’on trouve déjà ici. Peut être que c’est parce que les jeunes stylistes locaux ne sont pas connus ; peut être qu’il faut que les médias travaillent d’avantage avec les locaux afin de les faire connaitre.
La mode nigérienne est connue par Alphadi, parce qu’il est le seul qui est connut jusque là.
Le FIMA est un bon festival. C’est riche, ça déplace du monde. Il y a des gens qui sont sortis, pleins de créateurs de mode surtout de l’étranger qui sont sortis et qui, présentement font des carrières internationales et je pense qu’il est temps que ça puisse profiter aux locaux, qu’on puisse au moins connaitre des créateurs locaux.
Ma première participation au FIMA c’était en 2003. J’ai juste exposé mes articles qui ont bien marché d’ailleurs. A l’édition 2009, mes articles ont défilés au concours panafricain des jeunes créateurs. C’est touchant. Tu vois tes créations, tu as une autre perspective, une autre vue de ce que tu fais, tu as beaucoup de gens qui viennent de partout pour voir ce que tu fais, c’est vraiment touchant.
D’où te vient l’inspiration ?
Mes créations me viennent comme ça, pendant le sommeil, dans la rue, partout et à tout moment.
Concernant les coupes je travaille différemment. Je peux travailler avec les patrons, ici on utilise les papiers craft qu’on coupe, c’est tout un calcul de géométrie où tu vas définir comment doit être la forme ensuite tu fais tes calculs, les épaules, la poitrine et tout ; tu appliques, tu fais tout un graphisme et à la fin tu as la forme de ta robe ou de ton haut que tu découpes. Ou des fois sur le mannequin où tu peux couper, coudre tout directement sur le mannequin voilà ; sinon chez moi y’a de l’inspiration, de la création ; mes modèles je les imagine, je les dessine. Les tissus je les choisi moi-même, je fais les patrons, je découpe tout moi-même et je cous tout moi-même, voilà.
J’aime créer. Je travaille à partir de mes idées, ça me motive plus à travailler ; c’est comme un peintre qui peins une toile il doit la faire tout seul ; c'est-à-dire y’a pas quelqu’un qui va te dire fais ceci ou fais cela, ça ne marche pas comme ça. Pour moi créer une tenue c’est aussi faire de l’art.
Souvent il y a des clientes qui arrivent avec les mêmes idées que moi, là ça marche cinq sur cinq. Je travaille plus vite quand je crée, mais quand je dois travailler sur des idées spécifiques de quelqu’un d’autre j’ai tendance à prendre du temps pour le finir.
Concernant les matières j’aime faire le mélange je fais le mélange des pagnes locaux et des pagnes venus d’ailleurs, et ensuite le mixage que je fais c’est mélangé avec les tissus européens.
La collection de mon dernier défilé s’appelait 10+1, 10 pour mes dix ans de mode que je n’ai pas pu fêter à temps et 1 de plus qui est la onzième année. Je rêve de voir les nigériens porter les tenues des stylistes locaux, consommer local.
Au centre des jeunes de Talladjé j’ai formé une dizaine de jeunes à faire du stylisme parce qu’elless ne faisaient que de la couture simple. Ça a été dure mais on est arrivé quand même. Ce sont des filles qui ont beaucoup de talent mais je pense qu’il faut continuer, continuer à faire des formations.
Quel est ton dernier mot ?
Je fais appel à tous les stylistes nigériens, qu’ils se réveillent, qu’on soit actif, qu’on fasse connaitre notre travail, qu’on se soutienne, qu’on soit solidaire. On pourrait faire la magie au Niger, on pourrait faire des grandes choses, on pourrait changer le monde ; les artistes sont fait pour ça.