Safiath, des convictions au service du Niger

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Par Webmaster  Publié le 12/06/2023
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Safiath, des convictions au service du Niger

Impliquée à travers ses textes dans la défense de nombreuses causes socio-politiques qui dépassent le cadre national, Safiath confirme sa place sur l’échiquier des musiques urbaines nigériennes avec son deuxième album Pole position. La chanteuse qui s’est d’abord fait connaitre avec le groupe Kaidan Gaskia met à profit son expérience pour représenter son pays, marginalisé de fait, sur la scène internationale.

Ce 8 mars 2036 est "un jour qui restera à jamais gravé dans l’histoire du Niger. Pour la première fois, une femme vient d’être portée à la fonction suprême", annonce le présentateur d’un journal télé. L’heureuse élue ? Safiath, qui s’adresse à ses compatriotes depuis son bureau présidentiel, drapée dans son écharpe officielle aux couleurs de son pays. La séquence de politique fiction figure dans le clip de Yan Ouwa, une chanson que la Nigérienne a revisitée et qu’elle qualifie de "patriotique" par ses paroles. "L’idée, c’est que nous sommes tous appelés, hommes et femmes, à construire notre pays, y compris dans les plus hauts degrés des institutions", précise-t-elle.

À travers sa démarche, on devine l’envie de bousculer les mentalités, faire bouger les lignes. A minima passer un message. Les exemples ne manquent pas dans son répertoire, que ce soit pour sensibiliser les mères à allaiter (Nono Uwa), encourager l’autonomisation des femmes dans Futures leaders (au sein d’un collectif comprenant la Sénégalaise Coumba Gawlo et le Burkinabè Smarty) ou encore "attirer l’attention des dirigeants" sur la fermeture des écoles au Sahel dans Je veux retourner à l’école (en trio avec Vieux Farka Touré et Alif Naaba). "Il est important que ces enfants aillent à l’école pour leur assurer un meilleur avenir et qu’ils ne se retrouvent pas dans les griffes de ceux-là mêmes qui nous rendent la vie impossible aujourd’hui au Mali, au Niger et au Burkina", souligne l’artiste souvent sollicitée par des ONG ou organisations internationales.

Pour que ces chansons de sensibilisation soient efficaces, elle sait aussi qu’il faut parfois en gommer toute forme de "branding", comme elle a su convaincre ses commanditaires de le faire sur Enfant de la patrie à la thématique explicite : "On ne va pas les laisser brûler notre pays, kidnapper nos enfants et les amener pour les radicaliser", chante-t-elle dans ce morceau qui s’achève par la mention "Stop terrorisme". Résultat, près de 100 000 vues sur Youtube, "ce qui est énorme au Niger", relativise-t-elle.

Ce sens de l’engagement était déjà particulièrement prononcé chez Kaidan Gaskia, groupe phare de la scène hip hop à Niamey né à la fin des années 90 alors que le mouvement commençait tout juste à se développer sur le continent. Safiath, qui se reconnait un "côté révolté face à certaines injustices, en particulier celles que vivent les femmes", le rejoint en 2006.

Influences

En termes d’expérience, la jeune femme alors peut se prévaloir de quelques années avec un groupe de salsa et musique latino au Maroc, où cette fille de diplomate était partie vivre en famille et suivre ses études en 1997. "J’ai commencé à me cultiver sur le plan musical à ce moment-là. Quand j’entrais dans la médina, il y avait plein de boutiques avec tous les albums de tous les artistes", se souvient-elle. Sa passion "inexpliquée" pour le chant a démarré avec les chansons des films indiens qu’elle regardait dans sa jeunesse, avant d’être happée à l’adolescence par le r'n'b et le rap américain. Sans oublier l’influence de la culture arabe que la native de Khartoum a héritée de sa mère, soudanaise.

Sa collaboration avec Kaidan Gaskia, matérialisée entre autres par trois albums, dure dix ans. Mais avant que l’aventure s’achève, Safiath manifeste déjà son désir de voler de ses propres ailes : en 2013, sous son nom, elle représente le Niger à la septième édition des Jeux de la Francophonie organisés en France à Nice. Le premier album sur lequel elle travaille à l’époque n’aboutira jamais ; il faut attendre 2018 pour que la chanteuse fasse ses débuts discographiques en solo avec Point final,

Sans quitter le registre des musiques urbaines, elle dit avoir mis davantage "d’afro" dans le suivant, en référence aux sonorités qui ont conquis l’Afrique de l’Ouest à partir du Nigeria depuis quelques années. Paru il y a six mois dans son pays et bientôt lancé sur le marché international, Pôle position affirme à travers une métaphore automobile la première place de son autrice, autrefois fan de Formule 1, dans le game du rap local – aucun des codes ne lui échappe.

Cette fois encore, elle a fait "des reprises urbanisées de chansons du terroir, histoire de remettre au goût du jour certains titres que les jeunes ne connaissent pas" mais qui ont marqué les générations précédentes, à l’époque où la production locale était diffusée sur la seule chaîne télé disponible. En l’occurrence Yani d’Elhadj Taya et Mogoun Magani d’Ali Djibo (aussi écrit Zibo), deux "précurseurs de la chanson moderne nigérienne", explique Safiath.

Pragmatique, et consciente de l’isolement dont souffrent de longue date les artistes de son pays, elle a compris qu’il lui fallait prendre l’initiative pour remédier à la situation. Constituer un réseau, développer des liens musicaux à l’étranger. En studio, ses deux duos avec le Burkinabè Dicko Fils et le Malien Docteur Keb y participent. Sur scène, elle a commencé en 2022 à être programmée lors de différents événements dans les États voisins : au Tchad, au Cameroun, au Ghana, au Burkina. Savoir se rendre visible est une des clés pour se faire connaitre sur d’autres terres, élargir son horizon.

Source : RFI Musique

lundi 12 juin 2023

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