Rencontre avec Amadou Ousmane

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Par Webmaster  Publié le 06/01/2017
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J’ai assumé successivement les fonctions d’attaché de presse du Président Seyni Kountché, Directeur de l’Information, Directeur général de l’agence nigérienne de presse (ANP), Directeur général de l’office national d’édition et de presse (ONEP), Directeur de cabinet adjoint du Président Ibrahim Baré Maïnassara, Chargé de communication du NDI au Niger puis au Burundi, Chef des publications de la mission des Nations-Unies au Burundi, Porte-parole du bureau intégré des Nations-Unies au Burundi. Après ma retraite des Nations-Unies en 2011 j’ai travaillé auprès du gouvernement togolais pour le compte de la Banque Africaine de Développement puis comme conseiller du Président de l’Assemblée Nationale du Niger, Hama Amadou jusqu’à son départ en 2013 ; raconte Amadou Ousmane journaliste de formation. Diplômé du CFJ (centre de formation des journalistes) de Paris, ainsi que de l’IFP (institut français de presse) de Paris il est né en 1948 à Tibiri-Doutchi, Niger. Aujourd’hui à la retraite, Amadou Ousmane est consultant indépendant en communication.

Qu’est-ce que le journalisme pour vous ?


Le journalisme c’est l’art de rechercher, de traiter et de rendre compte d’un fait réel, d’un évènement, c’est-à-dire d’une réalité objective.
La qualité première et la principale exigée par la pratique du journalisme est l’honnêteté, qui fait appel à la fois à la loyauté, à la probité, à la vertu, à la décence et à la pudeur.


D’après vous, qu’est-ce qu’un bon article de presse ?


Un bon article de presse, c’est celui qui est écrit avec des mots de tout le monde. Des mots simples, qui peuvent être compris du plus grand nombre…L’écriture journalistique doit être exact, simple, claire et précise. Si vous écrivez comme un académicien, il ne faudra pas vous étonner de n’être pas compris par ceux qui n’auront lu que Mamadou et Bineta.


Parlez-nous de votre carrière de journaliste.


Comme tout journaliste débutant, j’ai commencé par la rubrique des « des chiens écrasés », c’est-à dire les faits divers, puis j’ai accédé à la rubrique plus prestigieuse de chronique judiciaire. J’ai créé et animé des rubriques comme ‘la lettre d’Aïcha’ et surtout ‘les propos d’Arbi’, qui ont connu un certain succès. J’ai par la suite animé puis dirigé la ‘revue Niger’ devenue ‘Nigerama’. J’ai même été longtemps correspondant de ‘Jeune Afrique Economie’ sous le nom de plume Ali Biyo. J’avais pour Rédacteur en chef un certain Jean-Baptiste Placca, aujourd’hui grand chroniqueur à Rfi.


Qu’est-ce que le journalisme vous a apporté ?


Beaucoup, puisque c’est le métier qui m’a ouvert les yeux et l’esprit sur les réalités du monde. J’étais entré au journalisme à l’âge de 18 ans, un peu comme on entre en religion. J’ai découvert combien c’est un métier fascinant, absorbant et envié. J’ai voyagé partout dans le monde.


Vous êtes aussi un écrivain, un écrivain plutôt prolixe…


On peut le dire, puisqu’à ce jour j’ai produit une dizaine de livres dont 3 romans, des biographies, des chroniques et quelques essais.


Pouvez-vous les citer ?


Les trois premiers sont des romans. Il s’agit de « 15 ans, ça suffit ! », « le nouveau juge » et « l’honneur perdu ». De ces trois le plus connu est ’15 ans, ça suffit ! » qui a été adapté à l’écran sous le titre de ‘Petanqui’ par un cinéaste ivoirien. ‘L’honneur perdu’ lui, a été traduit en haoussa par les Editions albassa.


De quoi parlent tous ces livres ?


« 15 ans, ça suffit ! » est l’histoire d’un homme politique influent, député de son Etat et accessoirement PDG de la société nationale des transports. Investi dans le noble rôle de transporteur et distributeur des vivres aux populations durant la grande sécheresse au Sahel, il est accusé d’avoir détourné des milliers de tonnes de vivres. Arrêté et écroué, il accuse le système de l’avoir utilisé puis sacrifié comme c’est souvent le cas dans cette Afrique hyper politisée. Il est défendu vaillamment le jour du procès par son propre fils avocat de renom. Il sera lourdement condamné pour permettre à l’Etat de sauver la face.
C’est le moment que choisit l’Armée pour opérer un coup d’Etat et mettre ainsi fin à un régime longtemps miné par l’injustice et la corruption.
« Le nouveau juge » est l’histoire d’un jeune magistrat loyal et intègre, confronté aux intrigues , aux pressions, aux injonctions politiques de toutes sortes, mais qui luttera sans répit pour imposer son idéal de justice. Malgré le poids de la raison d’Etat, il réussira à secouer le cocotier et à résister vaille que vaille à sa hiérarchie. Il réussira ainsi peu à peu à restaurer la confiance des gens simples en la justice.
« L’honneur perdu » quant à lui, raconte l’histoire d’un Général-président en exercice depuis une décennie, ancien officier putschiste qui, sous la pression des évènements et la déliquescence de son pouvoir, décide d’engager son pays dans la voie de la Démocratie. Mais certains officiers proches de lui, décidés à se maintenir dans les privilèges refusent de le suivre et résistent du mieux qu’ils peuvent. Mais ils ne réussiront pas à entraver la marche irréversible de l’Histoire.
« Chronique judiciaire » est un recueil de 26 comptes rendus d’audiences d’affaires criminelles traitées et jugées par les Cours et Tribunaux nigériens. Les faits rapportés sont rigoureusement authentiques, les personnages aussi. Seuls noms des personnes ont été changés pour d’évidentes raisons de tranquillité publique.
« Audiences publiques » est aussi un recueil de compte rendu de procès jugés en Correctionnelle par les Tribunaux nigériens. A lire avec profit par les étudiants en Droit et autres praticiens et acteurs de justice.
« Le témoin gênant » est le compterendu détaillé d’un grand procès d’Assises qui avait défrayé la chronique en 1984 au Niger. C’est l’histoire d’un crime crapuleux commandité par un caissier principal de banque âgé de 18 ans. L’employé était devenu le témoin gênant de ses malversations et autres magouilles dans les comptes de certains clients de la Banque.
« L’itinéraire d’IBM » Il s’agit d’un livre-entretien où le Président Ibrahim Baré Mainassara raconte son itinéraire au lendemain du Coup d’Etat qui l’a porté au pouvoir en 1996. Sa biographie, sa carrière militaire, ce qu’il pense de Seyni Kountché et de certains événements tels le coup d’etat de 1974, les putschs avortés de 1976 ET 1983, la conférence nationale, la transition, etc.


Les deux restants sont des livres de témoignages consacrés aux Président Seyni Kountché du Niger et Mathieu Kérékou du Benin.
Pour l’un comme pour l’autre, je me suis contenté de recueillir des témoignages auprès des personnes qui les avaient bien connus de leurs vivants. L’objectif recherché était de permettre à ces témoins crédibles de lever un coin de voile sur la vie et l’œuvre de ces deux hommes au parcours quasi-identiques. Ils ont tous deux été des anciens Enfants de Troupes de l’Armée coloniale, ont eu un brillant parcours d’officiers, d’hommes politiques et chefs d’Etats. Il ont un autre point commun : ils ont dirigé leurs Etats, pendant 13 ans pour l’un, et 29 ans pour l’autre, sans avoir pillé les caisses du Trésor public, sans s’être enrichis scandaleusement comme certains de leurs pairs. C’est cela qui m’a conduit à produire ces livres pour permettre aux jeunes générations qui ne les ont pas connus de savoir ce qu’a été leurs parcours.


Selon vous, quel rôle le journaliste peut-il avoir dans la dépense et la promotion des droits humains ?


Lorsque j’étais sur les bancs de l’école du journalisme en France, il y a plus de 40 ans on m’a notamment appris deux choses essentielles en journalisme. La première, c’est de me méfier des informations parce que celui qui vient vous donner une information a toujours un intérêt à la donner. La deuxième chose ? C’est qu’il n’y a pas de liberté sans responsabilité. C’est dire que le journaliste doit prendre la mesure de tout ce qu’il doit dire ou écrire et être prêt à endosser et assumer les conséquences de ses actes.
Au nom de la liberté d’information et d’expression on peut écrire ou diffuser tout ce qu’on veut. Mais il faut tenir compte des limites imposées à la liberté par les lois. Celui qui tourne le dos aux normes piétines les règles de son métier, peut vite se retrouver sur le banc des accusés ou au ban de la société. Cela dit, le journaliste ne doit pas se contenter d’informer. Il doit aussi éduquer, sensibiliser, conscientiser. Le journaliste doit se comporter dans la société en une véritable sentinelle de la démocratie. Il doit pouvoir dénoncer les abus, les dérives, les indélicatesses, la corruption, la concussion, surtout lorsqu’elles émanent de personnes investies d’une parcelle d’autorité publique. Mais il doit le faire dans le respect de l’éthique et de la déontologie de son métier et dans le respect du droit de chacun. C’est là tout le problème !


Vous êtes aujourd’hui un des doyens de la profession. Certains s’étonnent de ce que vous n’ayez pas créé un journal, où à tout le moins, continué d’écrire dans les journaux.


Est-ce bien nécessaire ? Il y a aujourd’hui tellement de journaux et de journalistes qui assument bien. Et ils sont à féliciter et à encourager. Dommage que l’Etat ne fasse pas davantage pour les soutenir, car certains le méritent bien.


A défaut, vous pourriez donner des cours à l’IFTIC par exemple.


Merci d’y penser pour moi. Mais sachez qu’on ne s’improvise pas enseignant. C’est d’abord une question de vocation et de compétences.


Revenons à votre carrière de journaliste. Quel est le meilleur souvenir que vous pouvez relater ?


Des souvenirs, j’en ai plein la tête : le premier c’est lorsque j’ai été reçu au concours d’entrée au centre de formation des journalistes de Paris. La renommée de ladite école était telle que c’était un exploit de réussir à y entrer.
Le second souvenir que je me plais à évoquer, c’est le jour où le Président Seyni Kountché à peine arrivé au pouvoir, m’a convoqué à son bureau à la Présidence pour m’annoncer qu’il faisait de moi son Attaché de presse.
Il faut savoir qu’entre lui et moi il y avait un contentieux datant du 06 Février 1967. Il était alors le n° 2 de l’Armée et moi un petit journaliste stagiaire. J’avais écrit et publié dans « le Temps du Niger » un article le mettant nommément et gravement  en cause à la suite d’un banal accident de la circulation, insinuant qu’il avait ‘grillé un stop’. Ce qu’il continuait à nier. Ce 06 Février 1967 là, il était venu, très remonté, nous trouver en pleine réunion de Rédaction et avait tenté de me « casser la gueule » comme il disait. Idé Oumarou, mon chef d’alors, s’était interposé et avait réussi à le calmer.
7 ans plus tard, en 1974, devenu Chef d’Etat après la réussite de son Coup d’Etat, il nous avait fait appeler Idé et moi pour nous installer à son Cabinet, l’un comme Directeur de Cabinet et l’autre comme Attaché de presse. Ce fut le début d’une collaboration qui allait durer jusqu’à sa mort.
Autre souvenir tout aussi inoubliable, c’est mon recrutement au sein du Système des Nations-Unies au Burundi, au poste combien stratégique de chef de l’information et porte-parole de la Mission. La Mission avait un effectif de 6500 soldats et 1500 civils.


Et au chapitre des souvenirs moins agréables ? En avez-vous eus ? 

             
Oui. Je peux en citer deux : le premier, c’était pendant la grande sécheresse de 1973. Le Président Diori Hamani, soucieux sans doute de connaitre toute la vérité sur le comportement de son administration par rapport à la gestion de l’aide alimentaire aux éprouvés, avait pris soin de dépêcher sur le terrain trois équipes de journalistes nigériens. Avec mission de rendre compte directement aux auditeurs sans passer par le filtre de nos hiérarchies respectives. Il y avait Hima Adamou Damadama, Hamidou Diallo, Maitouraré Abdou Saleye, moi-même et deux autres. Cela nous avait pris une dizaine de jours par équipe.
De retour à Niamey, j’ai commis la maladresse de publier dans « le Temps du Niger » un article reflétant l’exacte vérité, à savoir que certains barons du régime détournaient carrément l’aide ou pire, la donnaient à leurs chevaux pendant que des gens mourraient de faim à la périphérie des villes ou aux portes des centres de distribution. Cela m’avait valu un séjour mouvementé de deux semaines dans un sombre bureau de la fameuse police politique appelée « Coordination » gérée alors par l’un des frères de Diori. Mais je dois à la vérité de dire que c’est le Président Diori lui-même qui, alerté par je ne sais qui, m’a fait libérer.
Le dernier souvenir, sans doute le plus douloureux, c’est celui de l’assassinat du Président Ibrahim Baré Mainassara. J’étaisalors son Directeur adjoint de Cabinet et ce Vendredi 09 Avril 1999 là, j’étais allé lui porter le courrier à son bureau au Palais. Cela nous avait pris moins de dix minutes parce qu’il était pressé. Il devait se rendre à Inatès par hélicoptère à partir de l’Escadrille. Aussitôt que je suis sorti de son bureau, il s’est engouffré dans sa voiture pour se rendre à l’Escadrille. Moins d’une heure plus tard, c’est le Colonel Beidari Mamadou, Intendant du Palais, rencontré par hasard, qui m’a informé que quelque chose de très grave vient de se produire à l’Escadrille. Vous connaissez la suite…


Notons aussi qu’Amadou Ousmane est Commandeur de l’Ordre du Mérite du Niger, Officier de l’Ordre National du Niger, Chevalier de l’Ordre du mono (Togo).

Propos recueillis par Walter Issaka 
 

 

vendredi 6 janvier 2017

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