Rencontre avec Garba Harouna
Par Webmaster Publié le 02/02/2013
Garba Harouna est un conteur de la région de Tahoua, il est aussi enseignant non voyant dans une école primaire. Il tient la classe de CP et enseigne l’écriture en braille aux élèves non voyants.
Je suis enseignant non voyant à l’école primaire Mamadou Nouhou de Tahoua depuis 2001. Je les apprends à écrire, à lire et à calculer. Lorsque j’étais à Tchintabaraden j’étais dans l’administration comme dactylographe à l’inspection ; c’est là-bas que j’ai perdu totalement la vue dans les années 2006-2007. Je suis conteur je ne me rappelle pas exactement depuis combien de temps aujourd’hui, mais quand nous étions enfants les contes que nous racontaient nos grands parents tous les soirs, nous les partagions avec nos camarades le lendemain soit à l’école ou à la maison.
Comment tu définis le conte ? Le conte est difficile à définir. Le conte c’est, par exemple, illustrer ce qui se passe dans la société et aussi la protéger, donc faire des prophéties en imaginant ce qui pourrait se passer dans la société. Il y a beaucoup des gens qui se retrouvent à travers leurs qualités et leurs défauts dans les personnages ; que ça soit des animaux ou des êtres humains. C’est vraiment un moyen de faire rappeler aux autres qu’ils font du mal ou du bien et d’encourager ceux qui font du bien. Donc, on peut tirer des leçons de moral, on peut même prêcher sur le plan religieux avec le conte. Moi, je fais des contes à l’endroit des enfants. J’ai fait des animations de ce genre à l’école du village SOS enfants de Tahoua. Lorsque j’étais agent commercial à Zinder j’ai aussi animé à la radio Anfani de 1998 à 2000. Le conte est une imagination mais ça devient toujours réel ou bien ça a déjà été réel. Ce sont des faits dans la société, c’est le miroir de la société. Tout le monde peut voir son reflet dans un conte ; donc il revient à la personne de faire la morale. Voici une anecdote : Etant non voyant, souvent des enseignants me chargent de surveiller leurs élèves en leur absence; alors pour que ces élèves puissent me respecter je leur fait une promesse. C'est-à-dire je leur demande de bien se comporter et en échange je leur accorde 10 à 15 minutes de conte. Ainsi, s’ils respectaient mes principes quant à moi je tenais ma promesse. Dans mon propre foyer des fois si mes enfants font du bien, pour les récompenser je les gratifie d’un conte comme cadeau. En général, les contes que je présente c’est pour amener les enfants à être juste dans la société ; c'est-à-dire d’essayer de les adapter à toute situation et d’essayer de voir le bon côté. J’ai créée pas mal de contes mais la plupart sont des contes traditionnels que je développe à fin de les mettre dans le contexte actuel ; parmi eux il y a les contes Touareg.
Pourquoi l’implication des animaux ? Prenons le cas par exemple des cours de chefferies traditionnelles. Le chef est tellement puissant qu’il n’est pas possible de lui dire ouvertement ce que pensent les citoyens. Pour ça, des fois on désigne quelqu’un par astuce dans la cour pour présenter un conte, des proverbes, un adage ou raconter une anecdote pour amener le chef à bien raisonner. Ce qui fait que des fois on passe par les animaux pour ne pas nommer les gens, pour que d’autres ne se sentent pas vraiment indexés. Si c’est un animal qu’on désigne même si on le nomme, personne ne va dire que c’est son nom ou celui de son grand père. Donc voilà, au niveau de la cour du chef on utilise le nom d’un animal ; c’est un animal mais l’intéressé va se rendre compte que cet animal a typiquement son comportement, alors il va essayer de corriger ses erreurs et d’être correcte.
Comment tu juges le conte d’autrefois et celui d’aujourd’hui ? Autrefois le conte était un outil infaillible. Aujourd’hui y’a un changement, avec la technologie on sent un recule. Il n’y a pas beaucoup de gens qui connaissent l’importance du conte ; mais avec des festivals comme gatan-gatan on essaye de faire la promotion ; cette année c’est la deuxième fois que je suis invité à ce festival. Personnellement je suis en train de faire à ma manière des collectes de contes Touareg et de contes Peulh bref de contes nomades. D’un autre côté, comme je suis une personne en situation de handicap j’ai constaté que tous les handicapés vivent généralement dans la périphérie des villes ou des villages ; donc nous ne sommes pas très influencés par le modernisme. Alors, il y a des contes qu’on peut raconter pour faire oublier les peines et les frustrations, pour se distraire, pour se cultiver et pour être plus fort. J’ai fait mes études primaires et le collège en milieu nomade ; c’est depuis ce temps que j’ai commencé la collecte des contes nomades. propos recueillis par Walter samedi 2 février 2013 Dans la même catégorie
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