Mamane Garba : quand riment livres, contes et musique Imprimer
12/17/2012 3:28:42 AM - Publié par fofo_mag@yahoo.fr  


Mamane Garba est bibliothécaire au Centre Culturel Franco Nigérien de Zinder. Il s’occupe du secteur enfants et ce, depuis plusieurs années. Pour le grand bien de ces enfants, car, bien souvent, il met à leur service son talent d’artiste…Pour bercer ces petites âmes ravies et les transporter dans le monde imaginaire des contes, entrecoupés de chants, qu’il accompagne à merveille des sons mélodieux de son balafon. Faut-il le dire, en plus d’être conteur, ce bibliothécaire né vers 1965 dans le chef-lieu de Takiéta, un des dix départements que compte la région de Zinder, est chanteur et musicien.


Fofo : Comment êtes-vous entré dans l’univers de l’art, et plus particulièrement celui du conte ?



Mamane Garba : Je suis rentré dans cet univers depuis l’enfance. Depuis l’école primaire, j’aime bien interpréter les chansons. Quand on reçoit une autorité au village, on demande aux enseignants de composer une chanson. Quelque fois c’est à l’école que le directeur répète avec des jeunes filles. Et pendant ces répétitions, moi je suis toujours là à côté. Et, un jour, le directeur voulait un son. Mais, le musicien qui accompagne la troupe scolaire n’est pas parvenu à le lui donner. Le directeur s’est emparé du kalangu. Et il a commencé à jouer pour montrer ce qu’il veut comme rythme. Cela m’a épaté. Je me suis rendu compte que ce n’est pas une honte pour n’importe qui de jouer. Plus tard, je me suis accaparé de ça.



Pour parler du conte, comme l’a si bien dit Amadou Hampathé Bâ “ c’est un miroir dans lequel chacun se voit ”. Moi j’ai commencé à aimer le conte à travers les veillées nocturnes quand j’étais tout petit. Comme dans ma tradition ce sont surtout les femmes qui racontent, alors, ma mère, ma grand mère me racontait des histoires. Mais au fil du temps, comme j’aime raconter, je suis devenu autodidacte. Pour résumer, je dois dire que j’ai commencé le conte grâce aux anciens. Après, quand j’ai eu la chance de passer sur les bancs d’école, j’ai essayé de moderniser mon art à ma manière et à la manière des autres conteurs internationaux.



Fofo : Comment conciliez-vous vos activités d’artiste et de bibliothécaire ?



Mamane Garba : Je crois que c’est une très bonne chose d’être à la fois artiste et bibliothécaire. Cela fait que la bibliothèque n’est plus un endroit réservé aux seuls livres mais à toute la culture. L’enfant quand il vient à la bibliothèque, il trouve un autre environnement. S’il trouve quelqu’un qui s’occupe de lui culturellement, il est sans complexe. Quand par exemple un enfant arrive dans une bibliothèque, et qu’il trouve que le bibliothécaire lui même aime lire, aime raconter des histoires, il se sent à l’aise. En plus, comme presque tous les livres sont passés par mes mains de bibliothécaire et que j’ai une certaine connaissance de leur contenu, avec l’art du conteur, j’essaie d’expliquer l’œuvre aux enfants. Les enfants, parfois leurs parents eux même, j’ai remarqué, ont plus d’engouement pour le livre, la bibliothèque, la culture.



Fofo : Que pensez-vous de la condition de l’artiste nigérien ?



Mamane Garba : En vérité, la première fois où j’ai assisté à une manifestation culturelle organisée par l’État à travers un art dans lequel je me retrouve, c’était à la fête tournante du 18 décembre de Diffa. J’ai constaté qu’il y a un engouement pour encourager toutes les branches de l’art : le théâtre qui a lieu à Zinder ; la chanson féminine à Tillabéri ; le conte à Diffa etc. Et partout où les activités culturelles de ce genre se déroulent, les infrastructures sont renouvelées. Vraiment, j’ai beaucoup apprécié cette action de l’État. Mais, depuis, par rapport à ce qui se passe, à ce qu’on entend, c’est vraiment malsain. On sent qu’il y a une certaine mafia qui est venue s’installer dans la gestion de la culture. L’État proclame qu’il a investi telle somme pour tel projet artistique, or, nous les artistes, on entend dire mais finalement on ne voit rien venir. Et on se rend compte que quand certains suent pour semer, ce sont d’autres qui récoltent le blé. Je crois bien que les artistes nigériens ont besoin d’être aidés. Il faut qu’on améliore leurs conditions de vie. Qu’ils voient que quelque part, il y a un réel souci de valoriser leur art.                                                                 



Fofo : Parlez-nous de vos déplacements dans le cadre du conte et de vos palmarès. 



Mamane Garba : Pour commencer par les voyages lointains, je peux dire que c’est en France que j’ai effectué beaucoup de voyages. J’ai été en 1998. Je suis retourné en 2002. Je suis retourné deux fois en 2005. Vous savez, la magie de cela, c’est que c’est seulement quand vous voyagez que vous vous rendez compte que votre art est plus important que ce que vous imaginez.Pour les voyages en Afrique, c’est surtout au Burkina Faso qui organise des festivals de contes, notamment Yeleen à Bobo Dioulasso. Au Niger il y a le festival Gatan Gatan de Dogon Doutchi. J’ai été aussi à Beirout au Liban où j’ai joué du balafon pour le représentant du Niger aux 6èmesjeux de la francophonie en 2009. Pour les distinctions, j’ai gagné le premier prix lors du concours national de l’épopée à Diffa en 2009.



Fofo : Pourquoi avez-vous choisi le balafon comme instrument d’accompagnement?



Mamane Garba : Cela est dû aux circonstances de la vie. Ça aurait été que je me suis approché d’un joueur de Gurumi, je me serai mis à apprendre le Gurumi. Travailler au Centre Culturel Franco Nigérien, qui est un milieu culturel, donne la chance de rencontrer beaucoup d’artistes de pays différents. Donc un jour, je vois un balafoniste qui vient du Mali, du nom de Ali Keita, et qui, après avoir joué, donne des stages. J’ai été séduit par l’instrument que j’ai trouvé vraiment magique et sa mélodie adoucissante. Bien qu’archaïque, le balafon n’a pas besoin d’électricité. Je me suis mis à apprendre cet instrument à travers ce stage et je l’ai utilisé à chaque fois pour agrémenter mes contes ou pour composer des mélodies pour les spectacles de théâtre ou de marionnette. Un des directeurs du Centre Culturel qui a vu comme je me suis attaché à cet instrument a contribué pour que je possède le mien.



Fofo : Votre mot de la fin ?



Mamane Garba : C’est surtout par rapport à l’art du conte qui est une tradition universelle. Nous devons tout faire pour le sauvegarder. Nous voyons des artistes de la sous région qui nous épatent. S’ils sont à un tel niveau, c’est que quelque part, dans leurs pays, on a mis des moyens conséquents à leur disposition. J’invite donc nos responsables à mettre à la disposition des artistes nigériens des appuis nécessaires. En espérant que, lorsqu’ils les donnent, ces appuis là parviennent véritablement entre les mains auxquelles ils sont destinés et ne s’égarent pas dans quelque bureau du ministère de la culture.



Interview réalisée par Bello Marka



  



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